SolutionScience #020 | Ne fais plus jamais une démo dans le noir avec ces 5 questions
J’ai perdu le compte des démos « à froid » que j’ai dû faire dans ma carrière de Solution Engineer. J'imagine que toi aussi...
Tu connais sûrement le scénario : ton AE te ping sur Slack (ou pire encore, te tape sur l'épaule) pour te parler du prospect et de la future démo avec un petit :
« T'inquiètes, ils veulent juste voir l’outil. »
Tu lèves un sourcil, tu sens déjà l’arnaque, mais tu acceptes quand même.
Spoiler : quand un AE te dit ça, c’est généralement le signe qu’il ne sait pas du tout pourquoi ils veulent une démo (et qu’il espère que toi, tu vas le découvrir en même temps qu’eux...)
La discovery est minimale (pour ne pas dire inexistante), le contexte est encore pire :
« Ils font du ecommerce, et apparemment ils veulent optimiser leurs parcours en omnicanal… je crois. »
Merci pour cette information. Très utile.
La veille au soir, tu reçois un mail du prospect après lui avoir demandé quelques éléments de contexte :
« On n’a pas vraiment d’objectif précis pour demain. On veut juste explorer un peu… pour voir ce qu’on pourrait vouloir plus tard. »
Ce qui se traduit en langage presales par :
« Nous n’avons aucune idée de ce qu’on veut, mais on compte sur toi pour deviner. »
En tant que fidèle soldat SE, tu t’exécutes. Tu débarques sur le pont, tu partages ton écran…et au bout de dix minutes à peine, tu réalises que tu es en train de montrer des fonctionnalités potentiellement brillantes mais totalement hors-sujet pour une audience qui n’a jamais ouvert un outil similaire de sa vie.
Bienvenue dans l’une des réalités les plus universelles du métier de SE : la démo sans discovery.
Elle ne devrait pas exister, mais elle existe. Elle reviendra. Et ce n’est jamais l’AE qui en paiera le prix !
Dans un monde idéal, toutes les démos seraient précédées d’une discovery parfaite : contexte clair, objectifs explicites, use-cases validés, critères de succès, maturité technique, stack existante…
Bon, dans la vraie vie d'un presales, c'est beaucoup moins propre :
- AE pressé ou mal préparé
- Prospect peu disponible
- Stakeholders contradictoires
- Contexte flou ou volontairement superficiel
- Démo « urgente » ou « exploratoire »
- Changement de scope en dernière minute
- Interlocuteurs qui changent le jour même
Et malgré tout, il faut la faire cette démo !
Cette situation est universelle chez les SEs, juniors comme seniors, et cela crée souvent :
- De l’improvisation sous stress
- Des démos trop génériques
- Des explications techniques hors-sujet
- Des messages qui tombent à plat
- Des questions du prospect auxquelles tu ne peux pas te raccrocher
- Une impression de « one-size-fits-all » qui n'arrange personne
La démo à froid est l’un des plus grands risques d’un cycle presales : elle peut créer beaucoup plus de distance que de valeur.
Alors, avec le temps, j'ai appris une vérité simple : tu ne contrôles pas la discovery mais tu peux contrôler les questions que tu te poses avant la démo.
Les SEs expérimentés compensent le manque de discovery avec une préparation interne. C’est l’idée clé ici : même avec très peu de discovery, tu peux éviter 80% des pièges si tu te poses les bonnes questions avant de lancer ta démo.
C’est exactement pour ça que j’ai créé une sorte de méthode que j’utilise depuis des années. C'est une check-list qui m’a évité des murs, des silences gênants, et accessoirement quelques crises d’identité professionnelle.
Je lui ai trouvé un nom brillant pendant la rédaction de ce numéro. Je l'ai appelée la méthode LAMPE pour « allumer la lumière avant une démo dans le noir » . S'il vous plaît, ne me jugez pas.
Cinq questions. Et ta démo passe de « l'Univers nous protège » à « Ok, ça va le faire ». Et c’est surtout fait pour toutes ces situations où tu n’auras jamais la discovery que tu attends.
C'est parti !
- L comme LEUR motivation (c'est tiré par les cheveux mais MAMPE ça ne fonctionnait pas) : pourquoi veulent-ils une démo maintenant ?
Pas « pour voir l’outil », cela ne veut rien dire. Je te demande de rappeler à ton AE que derrière chaque démo se cache une impulsion réelle :
- Quelqu’un leur met la pression
- Un concurrent a pris l’avantage
- Ils ont une crise interne qu’ils ne veulent pas avouer
- Un executive leur a demandé un « quick assessment »
- Ils ont un changement interne important
Même avec peu d’infos, tu dois repérer ce moteur. Une démo sans motivation identifiée, c’est comme un meeting sans agenda : tu vas forcément te faire balader.
- A comme Audience : à qui tu vas réellement parler ?
La même démo peut être géniale ou catastrophique selon l’audience. Tu peux parler technique devant un business user et te retrouver à expliquer sans le vouloir pourquoi « le temps réel ça n'apporte rien ». Tu peux aussi faire une belle démo orientée métier et finir avec un ingénieur qui veut voir les logs bruts et la tête des JSON récupérées par la plateforme.
Bref, vérifie au moins :
- business ou technique ?
- décideurs ou juste utilisateurs ?
- novices ou experts ?
- sponsors ou simples curieux ?
L’AE te dira sûrement : « C’est mixte » ce qui en langage SE signifie avec bienveillance :
« Bonne chance mon ami, tu es seul. »
- M comme Message : quel problème unique vas-tu illustrer ?
Il te faut un seul problème à illustrer : un fil rouge qui te permet de ne pas transformer la démo en catalogue Ikea de fonctionnalités.
Même avec un contexte très pauvre, tu peux formuler un message plausible :
- Vous perdez du temps sur X.
- Vous manquez d'impact sur Y.
- Votre workflow actuel crée une friction sur Z.
Tu choisis un problème courant dans leur industrie, celui qui a le plus de chances d’être vrai, et tu construis ta démo autour de ça.
Et surtout : ne fais jamais attendre le prospect avant de voir la solution qui résout ce problème ! Ne commence pas par du contexte, des explications ou une mise en bouche théorique : montre la solution dès les premiers instants (le moment qui compte).
Si tu n’as pas de message clair, tout devient hors-sujet, donc... hors-jeu.
- P comme Pièges : qu’est-ce que tu dois éviter à tout prix ?
Les démos ratées ne sont pas ratées à cause de ce qu’on montre volontairement : elles sont ratées à cause de ce qu’on montre sans faire exprès :
- la feature pas vraiment prête,
- le workflow incompréhensible,
- l’écran horrible qui déclenche une avalanche de questions techniques,
- la fonctionnalité qui ferait hurler le legal.
Une démo réussie, c’est autant ce que tu montres… que ce que tu caches.
- E comme Effet final : qu’est-ce qui doit rester en tête après 30 minutes de démo ?
Les prospects oublient tout. Tout ! Il est très important qu'ils quittent la séance avec un moment qui reste en tête : un écran, un insight, une sensation positive, etc.
Demande-toi simplement « Si je ne devais laisser qu’une seule impression, ce serait laquelle ? »
Cela peut faire toute la différence.
Voici également une liste de 4 petits conseils actionnables pour toutes ces démos à discovery « limitée » :
- Envoie un mini-cadrage avant la démo à ton prospect : trois lignes, pas plus, hein. Ça clarifie les motivations, l'audience, et potentiellement l'objectif, sans demander un roman au prospect.
- Prépare deux versions : une courte et une... encore plus courte : tu ne seras jamais puni pour avoir été concis.
- Pose deux ou trois questions en début de réunion, même en mode express : s’ils te disent qu'ils sont pressés, justement, c’est là qu’il faut les poser !
- Retire tout ce qui peut déclencher une discussion que tu ne veux pas avoir pendant la démo : la clé, ce n’est pas de tout montrer. C’est de montrer ce qui compte pour résoudre le problème du prospect.
Tu ne choisiras jamais les conditions parfaites. Pas dans ce métier. Tu feras des démos avec un contexte pourri, avec des interlocuteurs imprévus, avec des AEs un poil trop confiants, avec des infos manquantes… et même parfois, avec rien du tout.
Mais tu peux choisir de ne jamais commencer dans le noir.
Et toi… ? Laquelle de ces cinq questions pourrait t’éviter ta prochaine démo catastrophe ?
Merci d’avoir lu ce numéro !
Si tu penses qu’il peut aider quelqu’un à survivre à sa prochaine démo, n’hésite pas à le partager à tes collègues SEs, à ton équipe d’AEs (qui en ont souvent besoin plus qu’ils ne l’avouent), aux PMs, aux CSMs ou à toute personne qui vit trop souvent dans le brouillard de l'avant-vente.
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On se retrouve vendredi prochain.
Philippe